Organiser un tournage à la Galerie Vivienne sans faux pas

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La Galerie Vivienne fait fantasmer réalisateurs, influenceurs et photographes. Mais transformer ce passage couvert en décor de tournage sans abîmer ses mosaïques ni agacer les commerçants est un art discret, souvent raté. Parlons autorisations, contraintes très concrètes et bonnes pratiques, loin des clichés romantiques.

Pourquoi la Galerie Vivienne fascine autant les équipes de tournage

Verrière néo‑classique, mosaïques de marbre, cafés iconiques : ce décor est quasiment un personnage à part entière. Les producteurs y voient un raccourci visuel vers un Paris élégant, hors du temps, à deux pas de la Bourse.

Résultat : demandes massives de clips, publicités, shootings mode, contenus pour réseaux sociaux… et parfois un joyeux désordre qui oublie un point simple : la Galerie est un passage privé inscrit aux monuments historiques, pas un décor en libre‑service.

Le site le rappelle noir sur blanc dans la Foire‑aux‑Questions : sans autorisation écrite, les prises de vue organisées sont interdites. Et pourtant, chaque semaine, certains arrivent comme si de rien n'était, trépied sous le bras.

Le cadre officiel : ce que dit réellement la règle

Passage privé ouvert au public : un malentendu récurrent

La Galerie Vivienne est ouverte au public, mais juridiquement, elle reste un espace privé. En pratique, cela signifie :

  • vous pouvez flâner, prendre quelques photos souvenir discrètes,
  • vous ne pouvez pas y organiser librement un tournage, un clip ou une séance photo professionnelle.

La FAQ est explicite : tout shooting photo, tournage, clip, séance organisée ou professionnelle doit faire l'objet d'une autorisation préalable auprès du propriétaire et de l'Association des commerçants de la Galerie Vivienne (contact : association.vivienne@gmail.com).

Ce qui est interdit d'office

Quelques évidences qu'il faut pourtant répéter :

  • pas de véhicules motorisés,
  • pas de vélos, trottinettes, rollers,
  • pas de course ni de jeu de ballon,
  • pas de fumée : ni cigarette, ni vapoteuse.

Or, nombre de scénarios de clips ou de publicités multiplient ces éléments. Moralité : si votre idée centrale est un plan de trottinette slalomant sur les mosaïques, changez d'idée ou changez de lieu.

Construire un projet réaliste pour un tournage à la Galerie

Étape 1 - Clarifier votre besoin, sans mensonge pieux

Les demandes « petites photos tranquilles » qui se transforment en équipe de quinze personnes avec projecteurs portatifs sont le meilleur moyen de braquer tout le monde. Avant de contacter la Galerie, posez‑vous :

  1. Combien de personnes réellement sur place (équipe + modèles + clients) ?
  2. Quel volume de matériel (lumières, pieds, rails, son) ?
  3. Combien de temps sur place, installation et démontage compris ?
  4. Quelles zones précises : axe principal, proximité des restaurants, entrée rue des Petits‑Champs ?
  5. Y a‑t-il potentiellement du son, de la danse, de la musique amplifiée ?

Plus vous arrivez avec un projet cadré, plus la discussion est simple. Et si vous avez besoin d'angles particuliers, appuyez‑vous sur les pages Histoire de la Galerie Vivienne et La Galerie pour identifier les parties les plus emblématiques.

Étape 2 - Anticiper les horaires et le flux de visiteurs

La Galerie est ouverte de 8h30 à 20h. Entre midi et la fin d'après‑midi, les flux sont denses, notamment vers les Caves Legrand, Daroco ou Bistrot Vivienne.

Pour un tournage propre, vous avez trois options raisonnables :

  • viser les créneaux matinaux hors affluence,
  • opter pour un tournage très léger (équipe réduite, aucune installation volumineuse),
  • ou accepter de scinder votre tournage en séquences plus courtes, mieux réparties.

Imaginer bloquer un axe complet un samedi après‑midi de décembre, en pleine saison touristique et fêtes de fin d'année, c'est simplement déconnecté du réel.

Préserver la Galerie : contraintes matérielles à intégrer dès le scénario

Les mosaïques ne sont pas un décor, ce sont une oeuvre fragile

Les sols signés Giandomenico Facchina ont plus de cent quarante ans. Tout poids concentré, tout frottement répété laisse des traces. Quelques règles de base devraient être intégrées dans chaque plan de tournage :

  • pas de rails lourds posés directement sur les mosaïques (prévoir protections sérieuses, pas trois tapis improvisés),
  • pas de machines roulantes type dolly massif sans validation,
  • pas de liquides, ne serait‑ce que pour un « joli reflet » sur le sol.

Si votre esthétique repose sur ces effets à tout prix, ce n'est pas le bon lieu. Ou alors, vous acceptez de repenser la grammaire visuelle de votre film, ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose.

Lumière, électricité et sécurité

La verrière offre déjà une lumière naturelle spectaculaire. En pratique, cela signifie que vous n'avez pas besoin d'un arsenal de projecteurs agressifs. Au contraire :

  • limitez la puissance et la quantité de sources,
  • privilégiez des panneaux LED légers, sur trépieds stables,
  • sécurisez toute alimentation au sol : câbles scotchés, pas de guirlande anarchique dans les allées.

Sur un lieu aussi fréquenté, la sécurité n'est pas une option. Les statistiques d'accidents sur plateau sont claires : les chutes liées aux câbles et au matériel mal fixé restent un classique selon les retours de la CNC. Vous ne voulez pas que cela arrive dans un passage historique.

Respecter les commerçants : une question de survie pour vos projets futurs

Boutiques, restaurants, galeries : des voisins, pas des figurants

Les 56 commerces de la Galerie ne sont pas un décor bricolé par un chef déco, ce sont des entreprises qui paient leur loyer. Bloquer l'entrée des boutiques de mode, masquer la vitrine des librairies anciennes ou gêner les terrasses des restaurants, c'est impacter directement leur chiffre d'affaires.

Au minimum, prévoyez :

  • une information claire des boutiques concernées (horaires, zones de passage réduit),
  • une personne dédiée dans votre équipe pour gérer les interactions avec les commerçants,
  • un plan B pour libérer rapidement un accès si un commerce est saturé.

Et oui, si vous tournez une campagne pour une grande marque dans un lieu vivant, la moindre des choses est de considérer les commerçants comme des partenaires.

Un cas typique : le shooting « rapide » qui dure trois heures

Scénario vu mille fois : un photographe assure qu'il ne restera « que vingt minutes ». Au final, deux heures de piétinement devant une vitrine, trois changements de tenue, une équipe qui s'étale… Le commerçant, lui, voit les clients rebrousser chemin.

La solution est brutale mais simple : chronométrez, découpez, assumez des plans plus courts. Un bon directeur artistique sait faire naître un récit fort avec moins de poses et plus d'intelligence de cadre.

Procédure pratique : comment faire une demande propre

Les informations à préparer avant de contacter la Galerie

Pour un mail sérieux à l'Association des commerçants, préparez :

  • présentation de la production et du projet,
  • type de diffusion (cinéma, TV, réseaux sociaux, institutionnel),
  • dates et créneaux horaires souhaités,
  • nombre de personnes et liste indicative du matériel,
  • plans approximatifs des zones visées dans la Galerie,
  • assurance responsabilité civile et sécurité.

Appuyez‑vous, si besoin, sur le descriptif global du site Galerie Vivienne pour montrer que vous avez compris l'esprit du lieu, son histoire et sa dimension patrimoniale.

Ne pas sous‑estimer les délais et la négociation

Imaginer obtenir un accord ferme en trois jours pour un projet ambitieux relève du fantasme. Anticipez plusieurs semaines, surtout si votre tournage implique de grandes plages horaires ou des zones sensibles.

Et acceptez l'idée qu'on puisse vous dire non sur certains points : c'est même bon signe. Un lieu qui pose des limites claires prend sa préservation au sérieux, ce qui profite aussi à votre image.

Un lieu à filmer, mais surtout à mériter

On pourrait se dire que tout ceci est très contraignant. C'est vrai. Mais c'est précisément cette exigence qui permet à la Galerie Vivienne de rester ce qu'elle est : un passage couvert vivant, un décor somptueux, un fragment presque intact du XIXe siècle parisien.

Les productions qui jouent le jeu repartent généralement avec mieux que de belles images : une relation durable avec un lieu d'exception. Si vous préparez un projet, commencez par explorer en détail le site, de la page Histoire aux boutiques, puis prenez contact formellement. La prochaine étape se fera, elle, sous la verrière.

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